En 1892, la Société des Houillères de Ronchamp prend la décision d’installer un nouveau site d’extraction, le Puits Arthur de Buyer, dans la forêt du Chérimont sur la commune de Magny-d’Anigon.
Celui-ci s’enfoncera à une profondeur encore jamais atteinte dans une mine française et européenne : il descendra jusqu’au niveau – 1 010 mètres. Les techniques les plus récentes et les plus modernes pour l’époque seront employées aussi bien pour les installations souterraines que les installations de surface.
Situé à 1 800 mètres au Sud-Ouest du puits du Magny, ce puits devra remplir, selon Léon Poussigue, directeur des Houillères, plusieurs objectifs : atteindre une profondeur supérieure à tous les autres puits existant et assurer une extraction de 1 000 tonnes par journée de 10 heures.
Pour atteindre une telle profondeur, l'investissement sera énorme : il faudra mettre en place deux puits, de 4 mètres de diamètre chacun. Pour faciliter l’aérage et lutter contre le grisou, ils seront espacés d'une distance de 30 mètres . Le 29 octobre 1892 les membres du conseil d’administration décident de continuer le projet sans connaître réellement l’état du gisement. Appelé puits n°11, la société le nommera “Puits Arthur de Buyer” le 28 juin 1900.
Président des Houillères de Ronchamp en 1876, Arthur de Buyer siègera pendant 24 années. Il usera de son influence pour doter ce puits des installations les plus modernes et les plus performantes.
Deux chevalements métalliques (l’un de 41 mètres et l’autre à peine moins élevé) seront érigés. Le grand chevalement supporte deux molettes en fonte de 6 mètres de diamètre et disposées, dans le même plan vertical, à 7,5 mètres l’une de l’autre. Ces deux plates-formes, recouvertes d’une toiture en tôle ondulée, sont accessibles par un simple escalier longeant les jambes de force du chevalement. Ce système permet de soulever une cage à deux étages et ainsi de doubler le nombre de berlines et de mineurs transportés. Deux bâtiments, placés en face de chacun des puits, accueillent les machines d’extraction aux dimensions-records pour cette époque en France.
Un bâtiment est affecté à la lampisterie et aux services annexes. Un autre est réservé au personnel : on y trouve les bureaux, les vestiaires, les douches, une salle de premiers soins, et un garage à bicyclettes. Le bâtiment central des machines de 49 mètres de long et de 20 mètres de large sur 12,55 mètres de haut complète les installations. Il est adossé au massif des générateurs de vapeur. Pour limiter les risques d’incendies, les matériaux employés ont été le fer, la pierre et la brique rouge.
En 1951, E.D.F. (nouvel exploitant depuis 1946) manifeste l’intention de fermer le site mais la société doit faire marche arrière face à un comité de défense soutenu par la population locale, les élus territoriaux et même le Ministère du Travail. On assiste alors à une bataille des chiffres sur les réserves de charbon. Le comité de défense parle de 1 400 000 tonnes avec de superbes couches à l’étage 1 000, alors que les rapports officiels prétendent que cette couche ne représenterait que 200 000 tonnes de réserves exploitables.
Le 30 janvier 1954 que l’extraction au puits Arthur de Buyer est arrêtée. Lorsque l’acte d’abandon de la concession est signé, le 10 juin 1958, les installations de surface sont démontées, les machines enlevées, les puits remblayés et les chevalements abattus. Après la fermeture, plusieurs industriels sont devenus tour à tour propriétaires des lieux pour y stocker des déchets industriels.
Aujourd’hui, les seuls vestiges encore visibles du puits sont des bâtiments en ruine, des dalles de béton recouvrant les deux puits et une végétation qui envahit inexorablement le site. L’équipe ERMINA est intervenue auprès de la DRAC pour solliciter un classement de ces vestiges.
La machine d’extraction du puits principal était composée de deux machines jumelles accouplées. Chaque machine comportait deux cylindres (un à basse pression et un à haute pression) agissant sur des manivelles. La distribution en vapeur, par soupapes, était assurée par des servomoteurs. Les câbles s’enroulaient sur des tambours cylindro-coniques, de diamètre compris entre 4,46 et 10,96 mètres, avec un poids de 95 tonnes. Le premier tambour était actionné par des bielles motrices, le mouvement était ensuite transmis au second tambour par des bielles d’accouplement. Un arbre intermédiaire est intercalé entre les tambours en raison de leur éloignement. Un frein à mâchoires était placé sur chaque tambour et un appareil indicateur de la position des cages complétait la machine. Sa disposition facilitait l'accès à toutes les pièces sans danger, même en état de marche. Cette machine d'extraction avait été étudiée pour remonter de 1 000 mètres de profondeur une cage à trois étages contenant deux chariots par étage à la vitesse moyenne de 12 m/s.
Des tambours coniques. Un tambour comprenait une partie cylindrique et une partie tronconique. La partie tronconique était destinée à recevoir les 1 000 mètres de câbles ainsi que la partie en réserve. La partie cylindrique recevait éventuellement la partie du câble allant du tambour à l’entrée du puits, soit environ 110 mètres. Les câbles s’enroulaient en se déposant sur un fer profilé agencé en spirales. Le nombre de spires nécessaires pour enrouler le câble est de quarante et une. Les 46 spires présentes (43 dans la partie conique et 3 dans la partie cylindrique) permettaient d’enrouler 1 200 mètres de câble. La vitesse moyenne étant de 12 m/s, la descente durait 83 secondes, la vitesse des tambours était donc de 28 tours/minute. La vitesse des cages était donc comprise entre 8,10 et 15,9 m/s.
Des cylindres à vapeur. La machine comportait deux paires de cylindres horizontaux en tandem. Chaque paire se composant d’un cylindre à haute pression et d’un cylindre à basse pression. Leur diamètre était de 0,7 et 1 mètre. Les cylindres à basse pression se trouvaient du côté des tambours et les cylindres à haute pression à l’arrière. Ils comportaient une cheminée cylindrique intérieure dans laquelle circulait le piston en fonte. Cette partie était séparée du corps du cylindre par un espace servant d’enveloppe de vapeur. Les deux parties n’étaient en contact qu’aux extrémités du cylindre.
Plusieurs freins. Chaque tambour disposait d'un frein, composé de deux mâchoires en bois placées aux extrémités d’un même diamètre. Le serrage pouvait s’effectuer soit grâce à la vapeur, soit grâce a un contrepoids. Le frein vapeur se composait d’un cylindre à vapeur dans lequel circulait un piston de 0,4 mètre de diamètre. L’admission de vapeur était faite par le machiniste depuis sa plate-forme de manœuvres ou bien automatiquement par l’indicateur de marche. Le contrepoids de 800 kilogrammes entraînait le frein lorsque la vapeur venait à manquer (rupture de conduite, explosion de chaudière ...).
Des arbres, manivelles et bielles. Chaque tambour était porté par un arbre. Celui qui est le plus près des cylindres recevait le mouvement des bielles de la machine. Le mouvement était transmis au second tambour par deux bielles reliées à un arbre intermédiaire. Les trois arbres étaient munis de manivelles, en acier coulé de 0,9 mètre de longueur. Le poids d’un arbre et des manivelles était d’environ 40 tonnes.
Des fondations sans précédent. Les massifs de fondation représentaient un volume de maçonnerie considérable étant donné le poids énorme de la machine, soit environ 600 tonnes. Ils s’appuyaient sur un terrain solide qu’il fallut aller chercher à plusieurs mètres de profondeur. Ces massifs en brique et ciment possèdaient une épaisseur de trois mètres.
Pour mener à bien la construction du premier puits dépassant 1 000 mètres de profondeur, la société des Houillères de Ronchamp a mis en œuvre les techniques les plus novatrices pour l’époque. L'imposante machine d’extraction à vapeur, le revêtement et le guidage des deux puits en sont des exemples.
Les connaissances géologiques de l'époque et les compétences des ingénieurs des Mines, sous l'impulsion du Directeur des Houillères de Ronchamp Léon Poussigue, sont àl'origine de cette véritable prouesse technique. Premier puits à atteindre les 1 000 mètres de profondeur, le Puits Arthur de Buyer a sans aucun doute influencé la construction des autres installations qui atteignirent cette profondeur symbolique.