Erminaarchéologie des techniques

Les techniques minières de l’Antiquité grecque

Le district minier du Laurion, situé au sud d’Athènes, occupe un plateau calcaire de l’Attique qui s’étend le long de la côte orientale depuis le Cap Sounion jusqu’à Bromopouzi, il est limité à l’Ouest par la vallée de Keratea. Les mines du Laurion ont constitué le plus important centre minier de la Grèce antique aux IVe et Ve siècle av. JC et l’un des fondements de la puissance d’Athènes. Le district métallifère s’étend, du Nord au Sud, sur 15 km de long pour une superficie de 120 km2. Il présente un potentiel de travaux miniers exceptionnels qui comptent parmi les plus importants du monde antique.

En surface, les vestiges miniers, minéralurgiques et métallurgiques s'étendent sur plusieurs dizaines d'hectares. Si quelques vestiges superficiels ont été fouillés – agglomérations (Thorikos), installations techniques (laveries principalement) – l’exploration souterraine des réseaux antiques profonds n’a jamais été réalisée. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la Compagnie Française des Mines du Laurion y exploitait trois concessions dont la superficie totale était de 3171 ha. Constituée à Paris le 28 août 1875, celle-ci a réellement commencé ses travaux vers décembre 1875. L’extraction ne se limite pas aux minerais de plomb argentifère. On y exploitait également de la calamine (minerai de zinc). Les travaux des ingénieurs des Mines évoquaient déjà des ouvrages souterrains considérables, accessibles à partir des versants. Jusqu'ici, ces travaux souterrains, oubliés, n’ont jamais fait l'objet d'investigations à cause des problèmes d'accessibilité : importantes verticales, exiguïté des réseaux, difficultés de progression, danger lié à la présence de gaz. Tous sont subordonnés aux conditions géologiques de gisement des minéralisations de plomb-argent du secteur.

Une problématique liée à l’histoire des sciences et des techniques

La mission a pour objectif de répondre aux interrogations que pose un tel déploiement de technicité pour atteindre ces gisements profonds.

Les orifices, qui quadrillent le massif, constituent autant de sondages et de coupes stratigraphiques, que les scientifiques auront à analyser et échantillonner. Pour comprendre la genèse des filons polymétalliques, il importe d’analyser en profondeur les roches qui composent ce gisement métallifère. C’est donc une prospection géologique en trois dimensions à laquelle se trouvent confrontés les membres de l’équipe.

Les techniques d’exploration mises en œuvre

Depuis quelques années, des progrès considérables ont été réalisés dans l’exploration et l’étude des réseaux souterrains miniers anciens avec les techniques de progression perfectionnées et adaptées aux grandes verticales. Les techniques utilisées sont celles qui sont employées dans l'exploration des grandes verticales : cordes statiques et techniques de descente au descendeur et remontées asymétrique aux bloqueurs. Du point de vue méthodologique, l’expédition a mis au point et expérimenté de nouvelles techniques d’exploration. L'équipement des puits est réalisé directement sur paroi à l'aide de chevilles expansives. L’exploration des grandes verticales nécessite l’utilisation d’appareil respiratoire isolants (ARI) du même type que ceux qui équipent actuellement les Sapeurs Pompiers. L’exploration de certains réseaux s’apparente à une plongée de type subaquatique, prenant en compte la complexité et les contraintes liées à ce type d’entreprise.

Chronologie des explorations et principales découvertes

En 2002, une première mission de reconnaissance a permis d’explorer pour la première fois les réseaux souterrains à partir de verticales supérieures à 80 mètres de profondeur, inédites pour le monde antique. Il s’agissait de comprendre les techniques mises en œuvre dans un contexte géologique complexe.

En 2003 des puits très profonds atteignant près de 100 mètres de profondeur sont explorés, des verticales impressionnantes par leur technicité, uniques dans le monde antique, qui débouchent sur de vastes réseaux souterrains conduits sur plusieurs niveaux.

Plusieurs cavités sélectionnées pour leur intérêt géologique, gîtologique et technique ont fait l’objet de reconnaissance. Les puits antiques sont généralement de section quadrangulaire taillés dans le marbre au moyen de marteaux et de pointerolles, leur profondeur variable peut atteindre plus de 90 mètres de profondeur en verticale absolue. Dans leurs parois étaient pratiquées des encoches utilisées pour compartimenter l’espace et y placer des traverses en bois servant de support à des cloisons d’aérage et d’échelles. En surface, l’environnement d’un puits a été topographié dans le détail, révélant la présence de structures d’extraction liées au treuillage des matériaux ainsi que plusieurs ateliers de tri et de concassage. Ces ateliers de fragmentation sont encore visibles à proximité de plusieurs orifices.

En 2004 et 2005 deux missions de topographie souterraine visant l’exploration du gisement sur plusieurs niveaux, permet de mieux connaître la puissance et la nature des minéralisations. L’exploration fournit des informations sur la genèse et la minéralogie du gisement métallifère Pb/Ag.

Un travail minutieux de topographie des puits et réseaux souterrains principaux du plateau débute, tandis que, sur le versant ouest, des relevés ont été engagés sur des ouvrages latéraux. En surface, le levé détaillée (1/5 000e) de la carte géologique du secteur est commencé.

Les observations sur l'organisation des chantiers, visent à concevoir la dynamique interne de certains réseaux. Les investigations concernent aussi l’étude minéralogique, structurale et microtectonique du gisement.

Une remise en cause des données géologiques du Laurion

À la lumière des explorations, la révision cartographique géologique du Laurion au 50.000e a conduit à redéfinir intégralement la lithostratigraphie du gisement.

La géologie du Laurion a très longtemps été interprétée comme une succession de couches sédimentaires d’âges différenciés alternant schistes et marbres. Les observations de terrain et les analyses de laboratoires remettent en cause ce dispositif. En réalité, les marbres supérieurs constituent le flanc inverse d’un pli synclinal couché dont le coeur est occupé par les schistes de Camareza. Les analyses microstructurales, pétrographiques et géochimiques s’appuyant sur l’exploration de surface et sur l’accès à des données souterraines doit permettre d’affiner la chronologie des événements géodynamiques et la structure des zones minéralisées.

Techniques minières antiques et dynamique opératoire

Au regard des premières explorations il est possible de distinguer plusieurs systèmes d’exploitation directement liés à l’architecture et au positionnement des principales minéralisations. Dans ce sens les mines du Laurion constituent un modèle qu’il convient d’explorer et de cartographier dans le détail. C’est l’un des objectifs des missions en cours.

Pour comprendre les techniques d’aérage et mesurer les circulations de l’air à l’intérieur de ces travaux, l’équipe a récemment installé un laboratoire souterrain, équipant certains puits d’instruments de mesures géothermiques. Ces instruments sont conçus pour mesurer, heure après heure, une année durant, nombre de paramètres. À partir de ces enregistrements sera créé un modèle numérique, prélude à de futures simulations in vitro.

Une carte géologique au 5.000e couvrant l'ensemble des travaux est en cours de réalisation. Elle sera accompagnée des observations et des mesures de microtectonique.

L'équipe est actuellement composée de douze archéologues-spéléologues miniers rompus aux techniques d'exploration alpine qui se relaient par effectifs de six personnes en permanence sur le terrain par semaine et de deux géologues.

L’opération LAVRIÒ a reçu le soutien des organismes et laboratoires suivants :
- I.G.M.E. Institutes of Geology and Mineral Exploration - Department of General Geology and Geological Mapping
- CNRS
- Commune de LAVRIO

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